- L’énergie nucléaire peut répondre, sans émissions, aux exigences minimales des réseaux
- La posture des dirigeants politiques et du public se réchauffe, même si des défis demeurent
- Pour les investisseurs, la chaîne de valeur du nucléaire offre un éventail d’opportunités de long terme
De nombreux dirigeants à travers le monde en viennent à le reconnaître : la réalisation d’objectifs de durabilité ambitieux à horizon 2030/2050 passera nécessairement par le nucléaire. Source d’énergie de base sans émissions, avec des centrales d’une longévité exceptionnelle, il sera un vecteur essentiel de la transition énergétique nécessaire pour s’affranchir des combustibles fossiles. Et ce, malgré des inquiétudes persistantes en matière de déchets et de sécurité.
Les facteurs qui dopent la demande d’énergie nucléaire sont multiples. Tout d’abord, les besoins électriques ne cessent de croître, la technologie – les progrès de l’intelligence artificielle en particulier – étant un moteur clé. Les centres de données représentent aujourd’hui environ 1% de la consommation mondiale d’électricité ; vu l’augmentation rapide de leur nombre et de leur taille, cette part est appelée à croître fortement. Dans certains États américains, qui accueillent une concentration de centres de données, elle a déjà dépassé 10% selon un récent rapport de l’AIE.
Deuxièmement, le contexte réglementaire devient plus favorable. L’objectif de la COP28 prévoit un triplement de la capacité nucléaire d’ici à 2050. La taxonomie de l’UE, un système de classification des investissements durables, considère depuis mi-2022 les activités nucléaires comme conformes si elles remplissent certaines conditions strictes (en termes d’élimination des déchets notamment). L’état d’esprit des labels ESG est donc en train de changer s’agissant de l’exclusion des actifs nucléaires. Notons aussi que le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne insiste sur la nécessité d’investir dans les infrastructures énergétiques à faibles émissions, à savoir les sources renouvelables mais également l’énergie nucléaire.
L’opinion publique, peut-être en raison de l’inflation énergétique causée par la guerre en Ukraine, devient aussi plus favorable aux centrales nucléaires. Une tendance qui pourrait être renforcée par les promesses d’innovation, en particulier le développement attendu, durant la prochaine décennie, de petits réacteurs modulaires (SMR). Par rapport aux centrales traditionnelles, ceux-ci présentent des avantages en termes de besoins en eau de refroidissement, de flexibilité du site, de rentabilité, d’évolutivité et de coût d’installation. Ils peuvent également être intégrés dans des pôles énergétiques, aux côtés de sources d’énergie renouvelables plus intermittentes.
Seuls deux tels réacteurs sont actuellement exploités commercialement (en Chine et en Russie respectivement), mais plus de 200 projets ont été lancés dans le monde – la BigTech menant d’ailleurs le mouvement, afin d’atteindre ses propres objectifs de net-zéro.
Cela étant, des défis perdurent pour l’énergie nucléaire, notamment des délais de construction longs (8 à 17 ans), une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement – le fait que seuls 41% du marché de l’uranium enrichi soient aujourd’hui accessibles aux États-Unis (le reste étant contrôlé directement ou indirectement par la Russie) représentant une contrainte majeure. Les problèmes de sécurité et d’utilisation militaire ternissent encore la réputation du secteur, bien que l’institut de recherche de l’UE n’ait trouvé aucune « preuve scientifique que l’énergie nucléaire soit plus nocive pour la santé humaine ou l’environnement que d’autres technologies de production d’électricité ».
En matière d’investissement, le nucléaire présente un univers d’opportunités large, qu’il s’agisse de l’extraction de l’uranium, des SMR (NuScale, BWX Technologies ou Rolls-Royce, par exemple), des fournisseurs de services et produits nécessaires à l’exploitation de centrales (Mirion, notamment) ou des entreprises de services publics (telles que Constellation Energy ou NextEra Energy). Il est aussi intéressant de noter que certains producteurs d’uranium procèdent à une intégration verticale : Cameco, par exemple, a récemment acquis une participation de 49% dans Westinghouse, lui permettant d’être présent sur une grande partie de la chaîne de valeur du nucléaire.
En conclusion, même s’il ne s’agit pas de céder à une forme de « NucleHype » à court terme, les conditions – réglementaires, technologiques et environnementales – semblent se mettre en place pour une renaissance du nucléaire sur le long terme.
Ecrit par by Gian Luca Grassini, Portfolio Manager junior, analyste ESG et Christophe Reuter
Trump 2.0: une version meilleure ?
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Donald Trump est de retour, avec un gouvernement républicain uni, et les marchés s’en sont jusqu’ici réjouis. Les bourses américaines ont atteint des records, le Bitcoin et l’action Tesla se sont envolés, le dollar américain s’est fortement apprécié, tandis que les taux ont fini par remonter, reflétant des attentes inflationnistes plus élevées pour 2025. Le tableau régional est plus mitigé, de nombreux marchés hors Etats-Unis ayant d’abord subi le contrecoup des potentielles politiques trumpistes (tarifs douaniers, incertitudes commerciales ou géopolitiques, hausse des taux américains ou renforcement du dollar). Dans le même temps, les données économiques américaines ont continué de surprendre à la hausse, alors que le reste du monde lutte pour rester à flot. Des tendances divergentes également visibles sur le plan des politiques monétaires, la BCE étant désormais appelée à accélérer ses baisses de taux, tandis que la Fed pourrait adopter un rythme plus lent. Quant aux banques centrales émergentes, les politiques trumpistes leur compliqueront probablement la tâche.
En d’autres termes, l’essor économique et financier des États-Unis s’est fait principalement au détriment de l’Europe, en particulier de la zone euro, et des pays émergents. Il est à cet égard peu probable que la Chine soit la principale perdante, car elle était largement préparée à une telle issue et disposera encore d’un certain pouvoir de négociation sur les tarifs douaniers (certainement plus que la zone euro, la principale victime vraisemblable). Enfin, si les risques géopolitiques restent omniprésents, ils pourraient désormais évoluer très rapidement, pour le meilleur ou pour le pire, sous le leadership renouvelé de Trump.
Notre scénario central d’atterrissage en douceur, impliquant une normalisation graduelle des taux au cours des prochains mois, reste en place. Les risques extrêmes ont toutefois augmenté, alors que l’impact final sur la croissance (marginalement positif pour les États-Unis, mais orienté à la baisse ailleurs) et l’inflation (légèrement plus élevée, surtout aux États-Unis) dépendra des nominations dans les départements clés de la nouvelle administration américaine, de l’enchaînement de leurs nouvelles politiques et de la manière dont le reste du monde réagira.
Par conséquent, même si les bourses américaines ont largement intégré les bonnes nouvelles, comme en témoigne la dernière hausse du positionnement des investisseurs, un pessimisme excessif et aveugle prévaut peut-être ailleurs, offrant des opportunités sélectives lorsque la poussière sera retombée. Les actions mondiales restent chères à en juger par la plupart des normes de valorisation, mais ceci n’est pas nouveau (comme sur le marché du crédit) et n’a pas empêché les gains de cette année. Les bénéfices ont assuré une grande partie du travail, associés à une compression de la prime de risque actions, du fait de la baisse des rendements obligataires. Par ailleurs, notons que des segments tels que l’Europe, les marchés émergents et les petites/moyennes capitalisations offrent toujours des poches de valeur.
Sur le plan des portefeuilles, nous entendons tirer parti d’un éventuel rallye de fin d’année en gardant une exposition neutre aux les actions, qui reflète notre optimisme prudent à court terme, renforcé par la victoire large de Trump. Cela dit, nous affinons notre positionnement à la fois sur les actions et les obligations afin de mieux refléter l’impact potentiel des nouvelles politiques américaines. Nous continuons de privilégier les actions américaines, en équilibrant soigneusement notre allocation aux petites/moyennes capitalisations (gérée activement) avec des méga-capitalisations, qui bénéficient aujourd’hui notamment d’un sentiment renforcé et de la déréglementation attendue. Ailleurs, nous devenons encore plus prudents sur les actions de la zone euro (nouvellement sous-pondérées). Elles risquent d’être les principales perdantes du retour de Trump, en raison des incertitudes croissantes sur le commerce mondial et d’un poids faible dans les négociations, en particulier à la lumière de l’instabilité politique en Allemagne et en France. Il en va de même pour les actions émergentes (rétrogradées à sous-pondérées), même si nous voyons moins de risques et de vents contraires pour la Chine.
S’agissant des obligations, nous conservons un positionnement neutre, avec une préférence pour les obligations souveraines dont la valorisation s’est améliorée aux États-Unis et au Royaume-Uni, alors que la toile de fond est devenue plus favorable dans la zone euro (légèrement surpondérée), ainsi que pour le crédit IG, par rapport aux segments du haut rendement et de la dette émergente. Nous continuons à préconiser une plus grande sélectivité dans ce domaine, en particulier concernant les obligations émergentes en monnaie locale, que nous avons rétrogradées à une sous-pondération. Enfin, nous continuons à prôner la diversification par l’or en tant que valeur refuge dans divers scénarios, et nous sommes de plus en plus baissiers sur l’euro compte tenu de l’accumulation récente de vents contraires mondiaux et de défis intérieurs.
Ecrit par Fabrizio Quirighetti, CIO & Responsable des stratégies multi-asset et obligataires
External sources include: LSEG Datastream, Bloomberg, FactSet, J.P. Morgan Asset Management, Statista.