L’industrie du câble, un joyau caché ?

  • Les profondes mutations aujourd’hui en cours font rayonner une industrie longtemps négligée
  • Électrification, énergies renouvelables, connectivité : tous requièrent du câblage performant
  • L’avenir s’annonce donc radieux pour les leaders de cette industrie, même s’il y aura des défis

Vous est-il déjà arrivé d’ignorer la vraie valeur d’un objet situé juste devant vos yeux ? Les câbles sont un bon exemple : composants essentiels mais mésestimés de notre monde interconnecté. Longtemps, la croissance de l’industrie du câble a été dépeinte comme lente et cyclique. De récents projets et investissements témoignent cependant d’une transformation majeure, justifiant une réévaluation des perspectives de l’industrie.

Les câbles deviennent des acteurs clés de la transition vers une économie plus électrifiée, durable et connectée. L’adoption de véhicules électriques et de systèmes à haut rendement énergétique tels que les pompes à chaleur dope la demande de câbles avancés, capables de supporter des charges énergétiques importantes. De même, le déploiement de réseaux 5G et de centres de données accroît le besoin de câbles de données robustes, permettant des vitesses de transmission supérieures et une plus grande bande passante. Quant à la production d’énergie renouvelable, elle tend à se situer dans des zones reculées, ce qui nécessite des solutions de câblage performantes pour le transport de l’énergie sur de longues distances. Relier les régions excédentaires en énergie à celles qui connaissent une forte demande par le biais de câbles électriques peut également contribuer à atténuer la volatilité des prix inhérente à la nature intermittente des sources renouvelables.

Les câbles peuvent être classés en trois catégories principales : haute tension (HT), moyenne tension (MT) et basse tension (BT). Les câbles HT sont essentiels pour le transport d’électricité sur de longues distances, y compris dans le cadre de projets complexes tels que les câbles sous-marins pour parcs éoliens au large ou les interconnexions infra-gouvernementales. Ils requièrent une technologie de pointe et des investissements conséquents, ce qui implique des barrières élevées à l’entrée et, partant, un marché relativement consolidé. Les câbles MT et BT sont essentiels pour la distribution de l’électricité depuis les sous-stations jusqu’aux utilisateurs finaux. Ils jouent un rôle essentiel dans la modernisation des réseaux électriques et l’amélioration de leur fiabilité. Bien que moins complexes que les câbles HT, les segments MT et BT sont très concurrentiels, en particulier dans des régions comme l’Europe où l’infrastructure est bien établie.

L’industrie mondiale est dominée par trois géants européens, Prysmian (Italie), Nexans (France) et NKT (Danemark), le premier se distinguant sur le plan qualitatif. Réputé pour sa capacité à fournir des solutions à tous niveaux de tension, Prysmian exécute des projets complexes avec un fort taux de réussite. Cette réputation de fiabilité et d’expertise en fait un partenaire privilégié pour les clients, même face à des solutions moins onéreuses. L’approche stratégique de l’entreprise en matière de fusions & acquisitions s’est aussi avérée déterminante pour la croissance. Le rachat d’Encore Wire a ainsi propulsé l’entreprise à une part de marché dominante (45%) dans le segment BT américain, très consolidé.

Si l’industrie du câble présente des opportunités significatives, elle est également confrontée à des défis qui pourraient affecter la croissance et la rentabilité. L’intense concurrence exercée par les producteurs chinois ou indiens à bas prix est un vent contraire persistant. Un autre risque important est lié aux retards et annulations de projets, du fait d’obstacles réglementaires, de problèmes de financement ou de difficultés techniques. Ces retards peuvent entraîner des pertes financières importantes, en particulier dans le segment HT, où les projets sont souvent de grande envergure et à forte intensité de capital. La volatilité des prix des matières premières, surtout le cuivre, pose également un problème, celles-ci pesant pour 80% dans le coût de production de câbles BT. L’aluminium offre certes une alternative moins coûteuse, mais sa conductivité moindre limite son applicabilité.

En conclusion, les câbles sont essentiels aux transformations technologiques et énergétiques qui façonnent notre futur. À mesure que ces mégatendances sont adoptées, la demande de solutions de câblage performant ne cessera de croître. Les leaders du secteur, tels que Prysmian, Nexans et NKT, semblent bien positionnés pour répondre à cette demande. Et si les défis liés à la concurrence, à la fluctuation des cours des matières premières et aux retards d’exécution pourraient influer sur les performances des entreprises, au final il s’agit simplement de bien relier les points.

Ecrit par Edoardo Giraudi, Equity Analyst Internet par Jonathan Graas, Senior Fund Manager

Beaucoup de bruit pour rien

  • « Sahm » a-t-il dit récession ?
  • Toile de fond « Boucles d’or » favorable malgré les secousses des marchés
  • Situation technique plus saine, avec un sentiment/positionnement désormais moins exagéré

La Fed ayant temporisé plus longuement que prévu et l’activité ayant finalement ralenti, le point de bascule des investisseurs a rapidement été atteint : les mauvaises nouvelles économiques se sont transformées en mauvaises nouvelles aussi pour les marchés, ravivant les craintes d’un atterrissage brutal. Alors que les derniers chiffres sur l’emploi ont vu le chômage américain progresser encore, induisant un risque de récession selon la « règle de Sahm » (taux de chômage moyen sur trois mois en hausse de 0,5%+ par rapport au point bas sur 12 mois), les données ultérieures ont toutefois apporté un démenti, suggérant à la fois une croissance résiliente et une première baisse des taux de la Fed en septembre – ce qui maintient intact notre scénario d’atterrissage en douceur.

Jerome Powell ayant indiqué à Jackson Hole que « le temps est venu pour la politique de s’ajuster », la principale incertitude reste la trajectoire de baisse des taux : graduelle en cas d’atterrissage en douceur (notre scénario de base) ou plus rapide en cas de récession. Dans ce contexte, la résurgence de tensions géopolitiques ou tout autre choc externe inattendu pourraient ajouter de la pression haussière sur l’inflation ou pousser l’économie en contraction, provoquant potentiellement un nouvel accès de volatilité sur les marchés.

S’agissant de volatilité justement, août sera un mois à oublier pour les âmes sensibles. Si des facteurs techniques (faible liquidité, dénouement des opérations de portage) peuvent expliquer l’ampleur du pic de volatilité, cela a également mis fin à la rotation du mois de juillet hors des valeurs de croissance. Plus important, ces fluctuations du marché ont assaini une grande partie du positionnement trop optimiste des investisseurs : les indicateurs de sentiment sont passés de surachetés à survendus en l’espace de quelques jours, avant de revenir en territoire neutre, ce qui constitue désormais une toile de fond plus saine. Un constat d’autant plus vrai que la saison des bénéfices s’est une fois encore avérée solide, avec des révisions nettes à la hausse des estimations qui étayent le consensus de 10% pour la croissance mondiale cette année et en 2025. Sur le plan des valorisations, peu de choses ont changé : les multiples actuellement élevés des indices cachent une réalité beaucoup plus complexe, avec des segments tels que l’Europe et les petites capitalisations qui restent toujours attractifs.

Sur les marchés obligataires, la poursuite de la désinflation et la résurgence des craintes de récession ont souligné, du moins temporairement, les avantages durationnels des titres souverains en termes de diversification.
Cela étant, la partie longue de la courbe n’offre selon nous toujours pas d’opportunité de valorisation suffisamment convaincante. De fait, il ne faut pas négliger la persistance de l’inflation dans les services, les taux neutres durablement plus élevés, ainsi que les inquiétudes concernant la viabilité de la dette souveraine, qui nécessitent une prime de terme plus élevée. Dans le crédit, les spreads ont continué à bien se comporter, même pendant le pic de volatilité susmentionné de début août, restant proches de niveaux historiquement serrés et offrant un environnement favorable aux actifs risqués dans leur ensemble.

Nous n’avons donc pas apporté de changements majeurs à notre allocation d’actifs globale. Fondamentalement, nous restons prudemment optimistes et continuons à privilégier une approche tout-terrain de la construction de portefeuille, avec une allocation d’actifs et de secteurs diversifiée et bien équilibrée, qui privilégie les actions de haute qualité, le portage dans le crédit et une duration convexe en obligations de haute qualité, tout en conservant une exposition tangible à l’or, conjuguée à l’USD et au CHF en tant que diversificateurs du risque.

En résumé, ces dernières semaines ont vu beaucoup de bruit et de volatilité, mais assez peu de panique chez les investisseurs. Le rallye boursier mondial a une fois de plus résisté de manière plutôt impressionnante. Malgré un ralentissement de la croissance largement anticipé, les fondamentaux macro- et micro-économiques montrent en effet des signes de résilience et devraient apporter du soutien à court terme. En particulier, avec des marchés qui s’élargissent, nous anticipons toujours un rattrapage progressif des segments autres que ceux alimentés par l’IA ou les méga-capitalisations. Pour autant, la suite de 2024 s’annonce mouvementée pour les actifs risqués, qui devront naviguer entre des tensions géopolitiques persistantes, un ralentissement économique, le sort de la Chine, une élection présidentielle américaine et la révolution technologique de l’IA.

Ecrit par Fabrizio Quirighetti, CIO & Responsable des stratégies multi-asset et obligataires

External sources include: LSEG Datastream, Bloomberg, FactSet, Prysmian, Nexans and NKT (annual reports).