- Les distributeurs industriels affichent une solide progression des revenus – et des cours boursiers
- Les marchés finaux du CVC, de l’eau et de l’isolation semblent particulièrement prometteurs…
- … pour des motifs environnementaux, de « reshoring » et de sous-investissement chronique
Des modèles d’affaires relativement simples peuvent aussi s’avérer très rentables pour les investisseurs. Les distributeurs industriels l’ont non seulement prouvé par le passé, mais sont aujourd’hui dans le viseur du réputé Brad Jacobs. À l’heure où l’IA est la coqueluche des marchés boursiers, et un sujet requérant un certain degré d’expertise, nous avons pensé que nos lecteurs pourraient trouver un article sur des entreprises simples, pour ne pas dire ennuyeuses, plutôt rafraîchissant. D’autant qu’en sus de ratios financiers attrayants, les distributeurs industriels permettent de s’exposer à diverses tendances écologiques – de manière plus défensive notamment que les titres des producteurs d’énergie renouvelable.
L’examen des performances de long terme montre que les grands distributeurs industriels, tels que Pool Corp, Watsco, Fastenal, Applied Industrial et Grainger aux États-Unis, ou Beijer Ref, IMCD et Diploma plc en Europe, ont largement surpassé leurs indices de marché respectifs. Ceci grâce à une croissance régulière de 5 à 10 % de leur chiffre d’affaires, laquelle repose sur des modèles d’affaires de qualité, au carrefour d’un grand nombre de fournisseurs et d’un nombre tout aussi conséquent de clients – souvent fidèles à des marques ; sur des économies d’échelle (l’assistance technique 24/24 et l’expertise numérique étant des facteurs clé) ; sur des opportunités d’acquisitions d’entreprises privées (à bon prix) ; et sur un cadre réglementaire favorable dans certains marchés finaux.
De plus, malgré les marges brutes relativement faibles inhérentes à leur activité, les distributeurs industriels génèrent un flux de trésorerie disponible important, du fait de leur faible intensité capitalistique, d’un rendement élevé du capital investi et d’importantes synergies (d’achat) liées aux acquisitions.
Les marchés finaux du CVC (chauffage, ventilation et climatisation), de l’eau et de l’isolation bénéficient aujourd’hui des plus forts vents porteurs, pour des motifs de réglementation, mais aussi de tendance nette au « reshoring » en place depuis le Covid. Les pénuries/perturbations de livraisons durant la pandémie ont en effet fait prendre conscience de l’importance d’avoir des chaînes d’approvisionnement solides, et donc des distributeurs d’envergure.
Dans le CVC, l’opportunité réside dans l’amélioration de l’efficacité globale (ces systèmes représentent actuellement 40% de la consommation d’énergie des bâtiments américains) et dans l’élimination progressive des réfrigérants HFC (hydrofluorocarbures) – une source majeure d’émissions de CO2 – conformément à l’amendement de Kigali, adopté en 2016 mais ratifié seulement en 2022 par les Etats-Unis.
S’agissant de l’infrastructure hydraulique, sa vétusté entraîne non seulement une augmentation des pertes d’eau et des ruptures, mais les catastrophes naturelles sont également devenues monnaie courante, avec souvent des problèmes de contamination. Reconnaissant le besoin urgent de modernisation, la loi bipartisane américaine sur l’investissement dans les infrastructures et l’emploi votée en 2021 prévoit de consacrer environ USD 50 mia aux systèmes d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’élimination des déchets.
Et concernant l’isolation, la thèse d’investissement est simple : c’est le meilleur levier pour améliorer l’efficacité énergétique d’un bâtiment. De fait, les produits d’isolation peuvent remédier à environ 90% des pertes de chaleur d’une maison datant d’avant 1974, que ce soit par le toit (28%), les murs (23%), la ventilation (23%), les fenêtres (13%), les ponts thermiques (8%) ou le sol (8%).
Convaincus ? Citons pour conclure le milliardaire Brad Jacobs1, dont le parcours historique est éloquent et qui investit actuellement dans la distribution de matériaux de construction : « Entre la construction de logements qui sera nécessaire dans les années à venir, et le besoin de réparer et de remodeler, je pense qu’il y aura une assez forte demande pour la distribution de matériaux de construction ». Et, ajoute-t-il, « le logement résidentiel ne sera pas perturbé par l’IA. Il ne se déplacera pas dans le métavers » !
Ecrit par Alexander Roose, Responsable des stratégies actions
Les élections françaises tempèrent un peu le sentiment de marché
La situation macroéconomique mondiale a peu évolué dernièrement, avec juste une pincée d’agitation politique supplémentaire en Europe. L’inflation américaine plus basse que prévu, des chiffres de l’emploi résilients, des ventes au détail et une production industrielle mitigées ont ramené le scénario d’un atterrissage en douceur au premier plan. En parallèle, les banques centrales ont bien entamé leur cycle d’assouplissement monétaire, la Fed se préparant à baisser à son tour les taux, sur fond de croissance résiliente.
Notre scénario central reste donc inchangé (atterrissage en douceur avec une croissance moindre mais positive, et une inflation persistante mais acceptable, conduisant à une normalisation des taux), même si les risques d’une réaccélération temporaire de l’inflation et/ou d’un coup de mou économique ne peuvent être totalement écartés. La stagflation constituerait de notre avis le pire des scénarios pour les portefeuilles équilibrés, car elle pèserait à la fois sur les actions et les obligations, et empêcherait la mise en place d’une politique monétaire corrective.
Dans ce contexte, les bourses mondiales ont continué à grimper le mois dernier, mais pas toutes au même rythme. Contraints par les incertitudes politiques européennes, les indices mondiaux ont enregistré de nouveaux records, mais avec une participation toujours plus étroite (megacaps technologiques américaines) – malgré des bénéfices solides, une inflation américaine qui a fléchi, des rendements obligataires en baisse et des flux de fonds résilients. En outre, après avoir progressivement ajouté au risque de portefeuille durant les derniers mois, les investisseurs ont marqué une pause : les incertitudes françaises ont tempéré leur engouement, ramenant les indicateurs de sentiment en territoire neutre, tandis que les parts actions demeurent proches de leur moyenne de long terme. De fait, les niveaux élevés des multiples indiciels cachent une réalité beaucoup plus complexe, avec des segments de marché spécifiques tels que l’Europe ou les petites capitalisations présentant, de notre point de vue, une valorisation toujours intéressante.
S’agissant des obligations, les taux demeurent correctement valorisés, les prévisions de baisse des taux ayant été ramenées à une trajectoire plus réaliste. Cela étant, nous ne voyons pas (encore) d’opportunités de valorisation suffisamment convaincantes à l’extrémité longue de la courbe, eu égard à l’inflation persistante, aux taux (neutres) durablement plus élevés, ainsi qu’aux préoccupations relatives à la viabilité de la dette souveraine, qui exigent une prime de terme plus élevée. En outre, il nous paraît toujours difficile de s’enthousiasmer pour le crédit à ces bas niveaux de spreads. Partant, nous privilégions un positionnement neutre sur la duration des titres souverains, notamment par le biais d’obligations convexes, tout en maintenant notre préférence pour la dette des entreprises par rapport aux obligations d’État (selon une approche « buy & hold ») sur la partie courte de la courbe, ainsi qu’une sélectivité au sein du segment HY/EM.
De manière générale, nous n’avons pas modifié notre allocation tactique, après avoir pris un virage un peu plus prudent il y a tout juste deux mois. Nous maintenons une vue fondamentalement constructive sur les actions, mais voyons des risques de volatilité accrue (désinflation non-linéaire, géopolitique, calendrier de l’assouplissement monétaire) entraînant une certaine consolidation, et peut-être des performances plus modérées à court terme. Au niveau des portefeuilles, vu la faible volatilité actuelle des marchés actions, nous pensons qu’une couverture tactique « bon marché » fait sens pour protéger les solides gains enregistrés depuis octobre. Par ailleurs, nous maintenons notre position prudemment neutre sur les obligations et comptons sur l’or pour assurer une certaine diversification. Sur le marché des changes, nous continuons d’apprécier le franc suisse (même après la deuxième baisse de taux par la BNS) et le dollar américain.
Au final, l’impact des élections françaises sur les marchés financiers ne nous préoccupe pas trop et nous nous réjouissons même du repli du sentiment qui en a résulté. Pour autant, le second semestre 2024 s’annonce potentiellement mouvementé pour les actifs risqués. C’est pourquoi nous nous en tenons à un optimisme prudent, privilégiant une approche tout-terrain de la construction de portefeuille, avec une allocation d’actifs et de secteurs diversifiée et bien équilibrée, orientée vers des valeurs cycliques de haute qualité au sein des actions, tout en recherchant du portage, de la qualité et de la convexité dans le segment obligataire.
Ecrit par Sandro Occhilupo, CFA, Responsable de la gestion discrétionnaire et par Damien Weyermann, CFA, Gérant actions senior
External sources include: Refinitiv Datastream, Bloomberg, FactSet.